Les constats du début
Berceau du peuple Malinké, cette région oubliée semble parfois hors du temps. Mais la précarité et ses conséquences nous sortent bien vite des rêves bucoliques que peuvent susciter ces terres sublimes hors des sentiers battus.
Selon un rapport national : « La pauvreté en Guinée est un phénomène multidimensionnel qui se répartit de façon inégale parmi les groupes socio-économiques et entre les différentes régions du pays ». Notre base du village de Sokoura fait partie d’une des zones les plus défavorisées du pays.
La cellule familiale est souvent polygame avec un nombre élevé d’enfants. La précarité est le point de départ inconscient du besoin d’enfants afin de garantir succession et soins aux aïeux et de pourvoir au besoin de main d’œuvre pour mener à bien des travaux agricoles rudes et souvent ingrats, tout en compensant une mortalité infantile élevée.
En effet, l’agriculture est très majoritairement une agriculture de subsistance qui ne génère que très peu de revenu. Elle est pratiquée essentiellement sans mécanisation ce qui nécessite beaucoup de main d’œuvre dans toutes les tranches d’âges.
En marge, on trouve d’autres activités comme la pêche, le maraîchage, l’apiculture et l’artisanat utilitaire, mais les revenus générés sont nivelés vers le bas du fait de productions saisonnières.
Pourtant « La Guinée est une aberration géologique » comme disent certains : bauxite (aluminium), fer, or, diamant, pétrole, nickel, cuivre, cobalt, chrome, manganèse, uranium, pierres semi-précieuses (corindon), sont présents dans son sous-sol en quantité. C’est aussi le cas de notre région qui compte de nombreuses mines d’or artisanales. Leur apport en termes de revenus à l’individu reste très faible. Cette activité tend à affaiblir tout le tissu économique local en drainant toutes les forces vives des villages vers les zones d’exploitation sans compter les nombreux décès qui s’en suivent.
Par la double action de l’attrait des mines et de la nécessité du travail agricole pour la subsistance familiale, l’analphabétisme dans cette région détient le record national depuis plusieurs générations ce qui contribue à sa fragilisation. Sa vulnérabilité se révèle notamment dans le domaine de la santé. La mort, vue comme une fatalité, est souvent l’issue d’un processus qui allie ignorance, en l’absence de prévention, et manque de structures. Dans cette région où le paludisme sévit toute l’année, l’espérance de vie est inférieure à 57 ans et le taux de mortalité infanto-juvénile avoisine les 10%.
Dans une zone dépourvue d’approvisionnement énergétique, il n’est pas inutile de rappeler que la majorité de la population n’a pas accès à l’eau potable et que la consommation moyenne par individu n’excède pas 15L par jour. Les transports restent fortement péjorés par un réseau routier délabré qui pèse lourdement sur le coût de la vie.
La naissance du projet
Le projet a commencé à germer en 2016 après une première visite dans la région de Kankan. Il s’est affiné au cours des deux années suivantes et a finalement pris forme en janvier 2019 avec l’arrivée du couple Anne et Eric dans la région. Leur installation au village de Sokoura a eu lieu fin mars 2019. Ils se sont mis à l’œuvre pour s’intégrer et évaluer les forces et les besoins de leur terre d’accueil. Dans le domaine de la santé, ils sont rapidement devenus les alliés de la structure de santé la plus proche en matière de référence et de prévention en organisant une permanence de soins dans le village. L’absence d’eau potable n’a pas manqué de retenir leur attention et c’est en novembre 2019 qu’a été lancé le projet de construction d’une station de pompage autonome pour le village. En février 2020 les travaux ont commencé, mais la crise sanitaire de 2020-21 a mis un frein à la bonne marche du projet qui n’a pris fin qu’en juin 2021. En parallèle, les bases ont été jetées pour un centre de formation et de développement de projet avec des terrains donnés par les différentes familles du village.